mercredi 9 novembre 2011

Des femmes qui veulent marier prothèse et fantaisie


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PARIS — Elles sont plasticienne, comédienne, vigneronne. Suite à de gros problèmes de santé, elles ont désormais des prothèses en tous genres mais veulent "dédramatiser" leur situation et en faire des objets joyeux, genre minerve artistique ou canne en fourrure.
Le "Collectif créatif des corps divergents" (3C D) est né dans le sillage des "Amazones s'exposent", une association regroupant des femmes qui ont choisi de ne pas faire de reconstruction chirurgicale après une ablation du sein.
Aujourd'hui, c'est du refus du pathos qu'il s'agit.
"On parle de nous comme de pauvres dames meurtries, blessées, passées par tant de souffrances", lance Annick Parent, à l'initiative de la démarche. "Il faut ouvrir les fenêtres", dit cette vigneronne qui préside déjà les "Amazones".
Outre Annick Parent, il y a Dan Steffan, plasticienne et peintre, qui a besoin de chaussures orthopédiques et d'une canne pour marcher. Anne Matalon a une néphrostomie, avec un tuyau partant du rein qui conduit à une poche. Sandrine Pignoux, comédienne, a eu une mastectomie après cancer du sein. C'est aussi une "Amazone".
Marine Dominiczak, une jeune designer, s'est jointe à l'équipe, même si elle-même n'est pas physiquement concernée. Elle dit vouloir "dédramatiser la différence" et "divulguer l'objet stigmatisant au lieu de le cacher".
Elle a déjà créé des prototypes d'une minerve qui ressemble à un beau collier en polyamide, de bonnets en forme de chevelure pour celles qui ont perdu leurs cheveux en chimiothérapie, de vestes ou chemises avec un bras en moins, pour ceux qui l'ont perdu...
"On refuse les corps différents, on a un modèle de normalité auquel on se raccroche", dit-elle.
"dépasser la dureté de l'objet"
Au programme de ce "collectif de réflexion" : faire des fiches techniques autour des "corps prolongés", sur les problèmes qu'ils posent. Par exemple, dit Dan, "comment faire du vélo avec une canne, comment la transporter ?".
Dans des boutiques spécialisées, des associations, des cabinets de kiné, des clubs handi-sport, elles veulent distribuer des questionnaires pour connaître les problèmes rencontrés, les attentes. Elles envisagent aussi de créer un "atelier de bidouilles", avec des matériaux récupérés, pour rendre moins sévères ces prolongations du corps, leur apporter un peu de fantaisie.
Il s'agira au bout du compte, d'humaniser ces "extensions", de les apprivoiser, voire de "stimuler la curiosité", de "donner une visibilité" à des "objets phares" qui puissent servir de support de communication. "C'est sur la qualité du regard porté sur la différence que nous voulons intervenir", disent-elles.
Elles ont déjà plein d'idées : Anne imagine de faire de son tuyau une oeuvre d'art, en le spiralant autour de sa jambe. Annick voit une canne recouverte de fourrure, avec une truffe d'ours au bout de la poignée et au sol un sabot à deux doigts. "On l'appellera +la canne anglaise de Sarah Palin+", dit-elle.
Elles imaginent aussi une écharpe avec des poches pour qu'à l'hôpital on puisse y glisser les sacs à humeurs et autres redons, et avoir les mains libres. Elles rêvent de décalcomanies sur les cicatrices, de chaises roulantes à voile, avec des clochettes, panneaux solaires, poche pour le verre et la boisson...
"La sale gueule du matériel, c'est une violence surajoutée à la violence de la maladie", dit Annick. Pour elle, "l'humour et la fantaisie peuvent permettre de dépasser la dureté de l'objet".

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